Au début, je dois dire que je n'ai jamais vraiment été très attiré par la course, et l'endurance plus particulièrement : si les footballeurs courent après un ballon (ce qui ne mérite pas plus de louanges, soyons francs), cavaler en groupe sur une distance quelconque pour en être réduit à brasser de l'air me paraissait futile.
Futile et stupide.
Mais le jeune garçon que j'étais se disait que, par chance, il ne faisait pas partie de ces coureurs du dimanche (et qu'il n'en avait pas du tout l'intention), me contentant d'avoir mon avis là-dessus et dénigrant la chose la bouche en cœur.
Tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Sauf que...
… sauf que tout le bazar a étonnement tourné au vinaigre quand il est venu comme l'envie de pisser -si vous me passez l'expression- à mes parents qu'il fallait que je me perfectionne dans la course à pied pour devenir un véritable soldat pour Rosenrot et un sujet irréprochable d'Anja.

Déjà, moi, la course, pas ma tasse de thé, vous l'aurez compris... mais pour rendre mes parents fiers de moi et devenir ainsi une véritable machine à tuer en plus ? Yumph !
Mais étant contraint par les instances patriarcales et étant prétendument rassuré sur les bienfaits de trotter sur les trottoirs comme un cheval par la Mère Supérieure (la grand-mère O'Callaghan), je n'ai pu résister bien longtemps à cette discipline qui me tendait grand les bras : en clair, la pression était si forte que j'ai eu vite fait d'accepter.

Il me serait difficile de vous expliquer en détails comment je suis passé d'un avis relativement neutre à une haine profonde et véritable sur la course.

Je me croyais écœuré pour le restant de mes jours, vous savez, comme si pendant des mois vous ne mangiez que du flan et que, au bout du compte, vous vous en retrouviez dégoûté et traumatisé à en hypothéquer votre sommeil et celui des générations à venir...

Il y a quelques jours à peine, pendant que je regardais les Jeux humains à la télévision, je me remémorais encore le déplaisir qui me saisissait dans mes jeunes années lorsque j'étais forcé de courir. Puis, avec une certaine satisfaction, je me disais que maintenant, grâce à mon âge, plus personne ne pourrait me contraindre à courir de nouveau.

J'avais tord. Si vous saviez combien j'avais tord ! Je me suis laissé emporter par les événements, en acceptant la proposition d'Anja qui voulait que je participe aux Jeux Olympiques Magiques : la preuve, je me retrouve en position sur la ligne de départ à porter les couleurs de l'Allemagne, à faire ''ami ami'' avec un grand colosse que je soupçonne de faire partie d'Orphéo.
Si la foule est en délire, vous comprenez bien que, moi, je ne le suis pas.

Si jamais je trouve celui qui m'a inscrit dans cette discipline, je ne réponds plus de moi ni de mes actes. Vous voilà prévenus.

3000 mètres.
3000 maudits mètres.

Bienvenue dans mon enfer personnel.

Mais je n'ai plus le temps de pester maintenant.

« Bonne chance. »

Nous échangeons un regard, puis une poignée de main avant de prendre place.
Concentration maximale (autant que mes longues années de préparation me servent à quelque chose).
Le coup part et, en tachant de prendre un rythme lent et régulier dès le départ sans pour autant me laisser distancer par mon adversaire, j'entame ma performance.